Parfois, ce sont les petits détails dont il faut se préoccuper.
Des riens comme de se rendre à l’épicerie ou à la banque — ces petites courses du quotidien ne devraient pas faire remonter des souvenirs pénibles. Mais, dans le cas des personnes trans, des gestes ordinaires peuvent les forcer à confronter leurs anciennes identités. Nos gouvernements et entreprises doivent devenir davantage conscients de cette réalité.
Prenons l’exemple d’Emily Minier, adjointe à la Direction générale et agente de liaison – communauté trans, pour Fierté Montréal. Elle a récemment effectué un virement de fonds électronique à Éric Pineault, Président-fondateur de Fierté. Rien de plus simple mais l’argent d’Emily ne s’est pas rendu à Éric. En fait, le virement qu’il a reçu était en provenance de la personne qu’Emily était auparavant— et ce, malgré le changement de nom qu’elle avait déjà fait auprès de son institution bancaire, Desjardins. Emily avait complété tous les documents requis et croyait le dossier clos. Il ne l’était pas!
« Je ne comprenais pas ce qui se passait, » a-t-elle dit. « Éric m’a dit être tombé en bas de sa chaise en recevant l’avis. » Emily raconte que sa Caisse l’a informée que pour s’assurer que ses virements électroniques reflètent son identité réelle, elle devrait créer un nouveau profil auprès de l’entreprise. « Le hic c’est que cela aurait pour conséquence de me faire perdre les anciens contacts accumulés depuis des années dans mon profil,» a-t-elle expliqué.
Elle a vécu une expérience semblable à l’épicerie avec sa carte de points Métro. Lorsqu’Emily s’est présentée à la caissière, l’écran de la caisse enregistreuse affichait son nom de naissance (dead name). « Je me suis fait dire qu’il était trop compliqué de le changer, » dit-elle. « Les gens (de Métro) m’ont indiqué que le processus de changer mon nom serait le même que si je souhaitais reprendre la carte de mon conjoint décédé. » Emily devait obtenir une nouvelle carte. « En obtenir une me fait perdre tous les points et les promotions que j’ai accumulés, » poursuit-elle. Emily ne se sent pas « persécutée » à travers ces événements mais les considère comme des rappels constants que les entreprises ne respectent pas encore complètement la transition d’une personne trans.
En plus donc des courses de tous les jours qui peuvent souvent forcer les personnes trans à confronter leur ancienne identité, il y a la question plus sérieuse des droits parentaux. À l’heure actuelle, seule une reconnaissance parentale juridique partielle existe pour les personnes trans. Si un citoyen canadien qui est une personne trans change son nom sur le certificat de naissance de son enfant, l’attestation de reconnaissance parentale demeure la même. Les parents trans, particulièrement pour les parents non-binaires ou ne s’identifiant pas à père ou mère, ne peuvent donc pas voir leur identité de genre reflétée sur le certificat de naissance de leur enfant.
En conséquence, Fierté Montréal demande:
- Aux entreprises, gouvernements et toutes autres organisations d’avoir conscience du traumatisme qu’endurent les personnes trans lorsque confrontées à leur identité passée.
- Au gouvernement du Québec d’accorder aux parents trans que leur identité véritable soit reflétée sur les certificats de naissance de leurs enfants.
Fierté Montréal appuie la poursuite intentée contre le procureur général du Québec par le Centre de lutte contre l’oppression des genres. La poursuite tente de faire invalider des articles du Code civil qui entraînent l’exclusion, causent préjudice et de la discrimination envers les personnes trans et intersexes et leurs enfants en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.
De plus, Fierté Montréal demande que les jeunes personnes trans aient accès aux mêmes soins et procédures légales que les adultes.
Pour que les personnes trans obtiennent la pleine reconnaissance de notre société, il est essentiel que nos lois et les politiques des entreprises soient modifiées. Emily rappelle que les gouvernements et les entreprises doivent comprendre le fait que les noms de naissance et l’identité de genre assignée à la naissance représentent un lourd bagage d’émotions et de souvenirs difficiles pour les personnes trans. « Lorsqu’on y est confronté et que c’est rendu public, cela devient discriminatoire et très blessant, » souligne-t-elle. Les entreprises ajoute-t-elle, devraient créer des groupes de travail internes avec pour mission de rendre leurs politiques davantage inclusives. « L’idée, c’est de démontrer au client, à la cliente que l’on devrait respecter et vouloir fidéliser, que son identité est valide et que sa transition est effectivement respectée, » de conclure Emily.
Notes:
Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel :
https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/LoisAnnuelles/2017_13/TexteComplet.html
Poursuite judiciaire contestant 11 articles du Code civil du Québec
https://canliiconnects.org/en/summaries/44317